Afficher De Monléon-Magnoac à Istanbul sur une carte plus grande

mardi 17 janvier 2017

Diaporama bonus


Un petit diaporama qui résume, en images et en musique, les 7 mois du périple pédestre qui a été hébergé sur ce même blog de mai à décembre 2012.


lundi 9 septembre 2013

Une classe de CM1 de Pau a suivi notre périple à pied



Tout au long de l'année scolaire 2012-2013, nous avons été suivi par la classe de CM1 de l'école Gaston Phoebus à Pau. Nous avons ainsi échangé avec eux à de nombreuses reprises pendant notre périple pédestre. Cette correspondance généreuse et pleine de curiosité nous a souvent amusée et motivée lors de journées pluvieuses qui nous imposaient de stopper la marche. Nos réponses à leurs interrogations, les textes du blog et les photos qui l'accompagnent ont permis à la classe de travailler sur différentes matières autour de cette aventure. Ils ont tout aussi bien abordé l'histoire et la géographie de l'Europe, que les conversion de monnaies en mathématique ou encore le dessin et la littérature de voyage.

Suite à cette correspondance, nous sommes allés leur rendre une petite visite dans leur classe à Pau au mois de juin 2013, ce qui a été l'occasion de se rencontrer en chair et en os, de revenir sur les motivations de ce projet, de répondre à une foultitude de questions et de dévoiler nos carnets de voyage (que pour l'instant peu de gens ont vu)!

Pour clôturer ce partenariat, Nadège Rigaud, leur professeure, très impliquée, a organisé avec la classe une journée de randonnée dans les Pyrénées. Les enfants ont pu éprouver physiquement les impressions dont nous avions longuement parlé par mail ou en classe.

Nous avons eu la bonne surprise de recevoir, au début du mois de juillet, un magnifique livret rassemblant des lettres et des dessins à notre attention dans lesquels ils font part de ce que cet échange leur a apporté. Un immense merci à Nadège et à sa classe pour l'intérêt dont ils ont fait preuve à l'égard de notre projet !!!

lundi 28 janvier 2013

1 mois à Istanbul - 100 millions de chats, la famille et les copains



Après 7 mois de nomadisme nous nous sédentarisons 1 mois à Istanbul où nous trouvons le plus sympathique des colocataires qui soit : Emre. Un coup de bol inouïe, Emre est pince sans rire et très attentionné, une véritable petite maman pour nous qui débarquons dans cette ville. Chaque jour il nous sort du fin fonds d'un placard des mélanges d'épices, condiments et préparations diverses qu'il ramène de son village familiale et qu'il réserve précieusement.
L'appartement est admirablement situé, au dernier étage d'un immeuble sur une colline d'üsküdar, quartier populaire et un brin conservateur de la rive asiatique de la ville. Tout  comme Emre  l'appartement et très calme, il possède une terrasse avec une vue imprenable sur le coeur d'Istambul. Parfait pour s'isoler du chahut incessant qui nous éprouve après 7 mois à marcher dans les campagnes et les montagnes.
Nous passons une grande partie de nos journées à arpenter Istanbul en tous sens : cimetières, parcs, marchés, bazars, sites archéologiques, religieux, le long du bosphore, de la corne d'or, des docks, sous la neige, sous la pluie, au soleil, quartier branché, touristique ou intégriste : la marche est une addiction. Si nous n'avons pas fait nos 15km journaliers, pas moyen de dormir.

Cette pause à Istanbul est également l'occasion de revoir Guillaume que nous avions croisé au Montenegro. Il attend les beaux jours pour reprendre sa route à vélo en direction de la Chine. Toujours aussi sympathique, vif et chaleureux, avec lui nous approfondissons notre connaissance de la ville, philosophons et nous rencardons sur l'Inde où il s'est rendu il y a quelques années et dont il ne semble pas tout à fait revenu. On espère que l'attitude positive et décontractée de Guillaume déteindra quelque peu sur nous avant d'atterrir en Inde. Il faut dire qu'en échangeant nos expériences avec d'autres voyageurs nous nous rendons compte que nous ne sommes pas des plus aventureux et parfois même, frileux.
Nous profitons de longues journées de neige pour renouer avec le plaisir de naviguer sur le web en bouinant sur un canapé, un thé à la main, dans notre petit «chez nous». C'est ainsi qu'en fouinant sur internet nous tombons sur le blog de nic, une jeune anglaise partie seule à pieds de Cornouailles en février 2012 pour rejoindre Istanbul.  Nous étions sur ses pas, puis elle sur les nôtres, nos chemins se sont croisés sans jamais qu'on se rencontre. Nous avons foulé les mêmes routes, vécus souvent des expériences similaires et nos réflexions s'en trouvent très proches. Pétillante, drôle et bourrée d'énergie, elle ne compte finalement pas s'arrêter là. De formation chef cuistot, elle cherche un boulot à Istanbul pour renflouer les caisses avant de reprendre la route vers l'est ou de rentrer chez elle à vélo.

Côté gastronomie, nous profitons de la diversité turque, bienvenue après la monomanie burek-cevapi caractéristique des Balkans.
Les gözmele sont de délicieuses galettes aux épinards, fromage et pomme de terre, tandis que les mantis sont des ravioles stambouliotes servies dans du yaourt à l'ail. Ils font aussi de délicieuses moussaka et bien sûr des pâtisseries aux pistaches à tomber par terre.
Côté musique, Emre nous fait découvrir Sevval Sam dont Benjamin est tombé amoureux et on se familiarise avec les différents instruments et styles musicaux les plus populaires.
Les Stambouliotes entretiennent un rapport tout particulier avec les milliers de chats qui peuplent leur ville. Ils les adorent. Ils les nourrissent, les caressent et jouent avec eux à tous moments. En attendant le bus, en faisant le marché, devant la pharmacie, autour des mosquées, sur le port. Même les businessmen les plus chics et les plus affairés se laissent aller à papouiller les chats dans la rue. On se demande d'ailleurs si tous ces gros matous qui ronronnent et dorment en boule n'ont pas la faculté d'apaiser les habitants du stress généré par la vie urbaine. En effet, Istambul, bien que qu'immense et très densément peuplée reste une ville tout à fait paisible (ce qui ne nous prépare pas du tout pour Mumbai...).
Les nombreux bazars et marchés de la ville sont de magnifiques lieux de vie où l'art de la présentation déploie toute son ingéniosité. Même dans les marchés qui ne se destinent pas aux touristes, les fruits, légumes, graines, épices et poissons se montrent sous leurs meilleurs atours. Parfaitement empilés, alignés, inclinés, ils sont régulièrement réassortis et aspergés d'eau pour reluire au milieu des étoffes et des senteurs. Les chats et les mouettes font intégralement partie du spectacle et guettent le moindre  rab' de nourriture tombé au pied des étals. Ce spectacle a beaucoup plu à nos amis et anciens voisins parisiens Stéphanie et Mathieu qui ont grandement fait honneur à la gastronomie turque en dévalisant les commerçants de notre quartier et ont ainsi contribué à nous rendre encore un peu plus populaire auprès d'eux.

Cette longue pause a été également l'occasion de recevoir la visite de collègues et parents avec qui nous avons eu grand plaisir à partager nos expériences et un bout de notre quotidien stambouliote ...
Karine, la mère de Benjamin, envisage déjà de venir passer sa retraite à Istanbul tant les turcs dont aimables et attentionnés avec leurs aînés.

Nous passons une dernière soirée avec Emre et quelques un des ses amis : Giedre, lithuanienne étudiante en civilisation arabe nous explique que la plupart des filles avec qui elle partage les bancs de l'université ne sont pas très préposés aux échanges avec une étrangère et étudient l'arabe dans l'unique but de comprendre le Coran. Attristés par ce constat, les amis d'Emre nous parlent de la situation politique du pays où il est de plus en plus difficile d'exprimer certaines opinions qui iraient à l'encontre des préceptes islamiques radicaux. Il s'agit pourtant, et jusqu'à nouvel ordre, d'une république laïque. Mais ces 10 dernières années le gouvernement n'hésite pas à faire passer un certain nombre de lois rétrogrades sous l'influence des Émirats (et de leur force de persuasion financière). Ces derniers savent que la Turquie est un modèle pour les pays arabes qui ont fait leur révolution, aussi, si, ce pays pouvait avoir des moeurs un peu moins  libérales ça les arrangerait bien.
Ce schéma nous l'avons déjà évoqué au sujet de Sarajevo et de la Bosnie et ça tombe bien puisqu'une des amie d'Emre est précisément d'origine bosniaque. Nous sommes réciproquement ravis d'échanger sur la Bosnie-Herzegovine et son charme discret-destroy. Elle étudie les sciences-politiques aux États Unis et a, entre autre, participé à l'organisation, à Sarajevo, de séances de projections de films auprès de publics scolaires mixtes bosniaques/serbes/croates de Bosnie. La société bosniaque n' offre pas, à l'heure actuelle, aux élèves des différentes origines l'occasion de se rencontrer et de dialoguer, les écoles étant encore séparées...Ce genre d'actions educatives nous parlent évidemment énormement.
Face a ces comportements sectaristes, communautaristes et nationalistes, elle et son copain turc d'origine arabe (vétérinaire a la municipalité d'Istanbul, il a plein de très bonnes anecdotes) forment un chouette couple mixte réjouissant et un peu rassurant. On gardera cela comme dernier souvenir de la Turquie.

samedi 15 décembre 2012

De Tekirdağ à Istanbul - 100 millions de pots d'échappement et nous et nous et nous...



La centaine de bornes qui nous sépare d'Istanbul n'est pas très exaltante, nous le redoutions et ça se confirme. La route longe la mer et traverse alternativement stations balnéaires sans âme et villages-vacances désertés (sans âme également donc). Ajoutons à cela des journées de pluie persistante qui nous font sentir rapidement le vieux chien mouillé et nous obligent à nous arrêter dans des hôtels pas toujours très bien chauffés, voire frigorifiques. Heureusement nous faisons la rencontre sur la route de quelques phénomènes qui pimentent nos dernières journées de marche.

Cemal et ses deux collègues ouvriers nous invitent à déjeuner dans leur cantine, nous pensons être invités à manger une soupe, c'est un repas complet qui nous est servi tandis qu'ils se contentent d'un plat de haricots. On est toujours un peu stupéfaits par la générosité de ces gens et même quelques fois pas très à l'aise. Histoire d'avoir quelque chose à offrir en retour, on sort notre petit carnet de route dont les dessins, dates et noms de villes traversées passionnent Cemal qui tient un véritable conciliabule sur notre voyage avec ses collègues auquel nous ne comprenons pas grand chose. Et toujours pour témoigner de notre reconnaissance, on prend leur adresse postale pour leur écrire depuis un autre endroit de notre périple. On a ainsi envoyé des cartes à tous les gens qui nous ont consacré un peu de temps. On aime a penser que ces courriers laissent sur notre passage comme une trace de notre voyage, ce sont nos petits cailloux blancs à nous.

Les invitations turcs s'apparentent parfois presque à des kidnappings. Suat fait des grands signes depuis sa voiture, nous lui répondons mais persistons à marcher. Il descend de sa voiture, traverse d'un air décidé la double voie, nous refourgue deux pide (pizza local) toutes chaudes. A peine les remerciement engagés, nous nous retrouvons embarqués pour aller boire un thé et finalement dormir chez lui. Il nous laisse seul dans sa maison, il a beaucoup à faire, il doit encore boire quatre ou cinq litres de thé et fumer trois paquets de clopes avec ses copains au bar du coin. Pendant qu'on se repose et qu'on prend une douche, son voisin Erdoğan frappe timidement à la porte pour nous dire qu'il est en train de nous préparer à manger. On comprend vite que c'est Suat qui l'a appelé pour le mettre sur le coup. İl nous fait griller du poulet et des légumes du jardin. Délicieux ! Il a l'air un peu stressé d'avoir des invités, cherche tout le temps un truc à faire, transpire et touche à peine à son assiette. Tleytmess est en empathie totale. Il nous précise qu'il est d'origine bulgare et qu'il est venu s'installer ici en 1989. Il a un atelier et un magasin de joaillerie à Istanbul, et il évoque des problèmes avec des voleurs qui seraient souvent kurdes. On aurait bien envie de lui répondre qu'en Grèce on nous disait que les voleurs étaient souvent bulgares... malheureusement, notre niveau de langage ne nous le permet pas. Pourtant depuis le début nous avons toujours tenté d'exprimer le plus clairement possible et souvent avec humour nos opinions. Une idée simple : pour que la rencontre soit réciproque on doit laisser de côté les salamalecs et s'obliger à un minimum d'honnêteté au risque de déplaire. Du coup, contrairement à ce qui est conseillé dans les guides, nous n'avons jamais menti ni sur notre statut, ni sur notre religion : nous affirmons clairement lorsqu'on nous le demande que nous ne sommes ni mariés, ni croyants, ça laisse souvent un blanc, mais pour l'instant «problem yok» comme le dit souvent Suat.

A l'approche du but, on s'enfile des journées de 25km sans trop de soucis ni de pauses. Le bruit assourdissant de la circulation nous empêche désormais de chanter pour passer le temps, alors on s'autorise à penser rétrospectivement à ce voyage qui semble bien toucher à sa fin. On se rend compte que sur les 7 mois passés à marcher, chaque journée etait suffisament singuliere et dense pour qu'on s'en souvienne précisement . On peut ainsi puiser un nombre infini d'impressions, de couleurs, de prénoms, de textures, d'odeurs, de gouts, de sentiments, de rencontres, d'émotions, de pensées, de sourires, de questionnements, de doutes...
Et puisqu'on parle de doute, ça commence à devenir vraiment dangereux de longer cette foutue D-100.
Comme souvent, lorsqu'on marche au bord des routes, les gens nous prennent pour des fous; et pour la première fois on se demande si en effet on ne l'est pas un peu -fou-. Qu'est ce qui nous pousse à vouloir à tout prix faire ce dernier tronçon jusqu'au panneau «Istanbul» ? Certainement l'une des choses qui a toujours été motrice jusqu'ici : sentir, éprouver notre environnement. Ces derniers jours, pour la seule et unique fois du voyage cet environnement est celui d'une ville tentaculaire qui s'étale à perte de vue. En entrant dans cette mégapole à pied on prend la mesure des différentes strates, des frontières successives, et de la densification progressive. Le flux de véhicules, les zones industrielles, les ports, les stations services, les motels, les centres commerciaux, les décharges, les bretelles d'autoroute, les pépiniéristes, les vestiges archéologiques, les buildings en construction, les cités dortoirs, les parkings, les salles de congrès vides; cet agglomérat nous dégoûte autant qu'il nous fascine.


On n'a finalement pas trouvé le panneau
On a alors écrit un petit mot
Avec des caılloux
Pour marquer le coup

mardi 4 décembre 2012

D'Alexandroupolis (Gr) a Tekirdağ (Turquie) - Eloge aux camionneurs



Pas moyen de passer la frontière greco-turque a pied, c'est formellement interdit. On a tourné le probleme dans tous les sens, on est obligé de prendre un bus qui nous mène a Keşan, la première ville turque après la frontière. Dès notre sortie de l'hotel où nous avons passe la nuit a Keşan nous croisons tout un tas de gens tres souriants qui nous font un accueil chaleureux ce qui nous euphorise complètement. On est en train de se dire qu'on se sent bien dans ces pays un peu bricolo-bordéliques. On repense au Piemont italien ou a la Bosnie-Herzegovine entre autres. On s'emballe un peu tout en riant et en envoyant des grands "Merhaba" a tout le monde quand on croise un type qui nous annonce que le quartier vers lequel on se dirige est tres dangeureux. Il préfère qu'on repasse par le centre ville pour regagner la route principale. On demande pourquoi, il nous dit que son anglais n'est pas assez bon pour expliquer maıs nous lache quand même "Gypsies steal people with guns..." Plusieurs personnes nous avait deja fait des signes de rebrousser chemin avant, mais comme elles ne parlaient pas anglais, on pensait que, comme d'habitude on oubliait que nous sommes piétons pour nous indiquer un chemin plus rapide en voiture... Nous réfléchissons un moment et décidons de ceder à la peur et aux eventuels fantasmes du type en rebroussant chemin. Nous ne voulons pas prendre de risques et sommes un peu moins zélés depuis l'episode albanais. On ne l'a jamaıs vraiment été d'ailleurs, zélés, on est plutot prudents de nature mais on essaye, dans la mesure du possible, d'evaluer la crédibilite de nos interlocuteurs et de ne pas prêter trop d'attention à des discours racistes, alarmistes, à des querelles de quartiers ou à des types un peu trop alcoolisés. Pas évident de savoır sı cet endroıt etait réellement un repaire de malfrats ou simplement une banlieue très pauvre habitee par des roms. On repense à notre sortie de Mostar dans les bidonvilles ou à la traversee de la banlieue déglingue de Gjakova que certains nous auraient peut-etre déconseillé... si nous les avions croisés. Pas toujours évident de faire la part des choses.

Le long de la quatre voies qui traverse cette partie de la Thrace orientale nous continuons a brailler notre répertoire de chansons quı s'enrichit de jour en jour et dont nous ne sommes pas peu fiers. Les camionneurs et pas mal d'automobilistes nous klaxonnent et font de grands bonjours ce qui nous faıt toujours autant marrer. Nous marchons a contre-courant du flux, par sécurité bien sur, mais aussi pour eviter qu'une voiture sur deux nous propose de nous embarquer et que notre refus passe pour une impolitesse : on ne refuse pas une invitation en Turquie. 
Une chose amusante que nous n'aurions jamais soupconné au depart de ce voyage, c'est l'amitié que nous font les camionneurs qui nous considèrent presque comme étant des leurs (ce qui amuse beaucoup Benjamin qui n'a toujours pas son permis). Ils entretiennent un rapport au voyage et à la rencontre de l'autre bizarrement assez proche du notre. Romeo en İtalie, Šefık en Croatie, Rusmir en Bosnie et Herzegovine et Christos en Grece, tous des camionneurs qui temoignent d'une grande curiosité et surtout qui n'ont pas peur de l'alterité, sans doute un peu parce qu'ils voient du pays...
Car, malheureusement depuis le début de ce périple, on se rend compte que c'est plutot rare. Entre deux bosniens qui nous disent que le probleme en France c'est les arabes (merci la télévision et le spectacle a sensation des voitures qui brulent en banlieue parisienne), un bon nombre de grecs et d'italiens qui semblent très inquiets du récent flux migratoire dans leur pays, certains grecs qui ignorent les macedoniens ou font mine de ne pas comprendre quand on parle d'İstanbul (Konstantinoupoli), une serveuse qui nous dit, l'air inquiet, qu'en Turquie les gens sont ''différents''(on n'a pas eu la présence d'esprit de lui dire que c'est précisément ce qu'on cherche avec ce projet les gens différents), un macédonien qui déplore que dans son village seulement 50% de la population soit "clean" (les 50 autre étant des macédoniens d'origine albanaise, turque ou des roms), et cela reste le meilleur, ce francais de Murat sur Vèbre qui dans un restaurant explique vouloir "balancer des grenades à la gueule de ces sales moukhers" (très élégant, on a failli s'étouffer et on a mis quelques jours à s'en remettre à vrai dire...) Alors pour se réconforter, et pour changer des chansons, on s'est appliqué à énumérer les noms aux douces consonnances étrangères de nos amis et connaissances en se disant qu'on était tout de même assez fiers de la mixité culturelle francaise.

C'est a nouveau un camionneur qui nous fait signe de venir boire un thé alors que la pluie se met a tomber en traversant le village de Yenice. Hüseyin est a la retraite et il tient une petite gargotte en bord de route ou il cuisine et vend des piments et des tomates de son jardin. La météo s'annonce très mauvaise pour la nuit, Hüseyin nous déconseille de dormir dans la tente et nous propose de dormir dans une sorte de salle des fêtes juste derrière son restaurant. Il nous offre des fruits et une portion de peynir helvası, un dessert traditionnel turc a base de fromage avec beaucoup de beurre et de sucre qui a la consıstance d'une purée au gruyère filendreuse, très gras et très bon. Benjamın n'aime pas trop et justement, puisqu'on parle de lui, il vient de s'éclipser avec un groupe de chasseurs quı veulent lui montrer les sangliers qu'ils viennent d'abattre. Ce grand benêt quı ne sait pas dire non, revient avec un énorme morceau de bidasse tout frais sanguinolant entre les mains et un sourire niais qui dit "on va faıre quoi avec ca maintenant ?" Heureusement que nous sommes dans un restaurant et que Hüseyın, un peu étonné dans un premier temps, nous propose de cuisiner cette viande pour nous. C'est donc un sanglier aux petits légumes et à l'ail qui fera notre repas du soir. Hüseyin écoute une très belle musique turque (des choeurs feminins) et nous confie qu'il n'apprécie guère l'usage abusif des moniteurs TV et autres écrans plasma dans les lıeux de convivialité. Il ne parle que turc (et roumain ce qui ne nous aıde pas des masses) mais fait des efforts considérables pour qu'on puisse echanger : on gesticule, on dessine, on mime, on chante... et on parvient une fois de plus a passer un bon moment. Depuıs l'İtalie que nous sommes confrontés à des gens qui ne parlent pas notre langue. Nous avons constate qu'avec ou sans l'anglais ou l'allemand comme béquille, ce qui compte vraiment c'est l'envie et le sens de la pédagogie. Alors que certains sont tétanisés à l'idee de devoir communiquer autrement que dans leur langue, d'autres déploient des trésors d'astuces et d'imaginatıon juste pour le plaisir de causer un brin avec nous.
Le lendemain, en approchant Tekirdağ, dernière grosse ville avant İstanbul, on apercoit la mer de Marmara et le vent qui souffle par bourrasque transporte avec lui les premiers flocons de neiges.


vendredi 30 novembre 2012

De Kavala à Alexandroupolis - En chantant a travers la Thrace




Nous continuons notre traversée du nord-est de la Grèce sous un ciel radieux et un air relativement doux pour la saison. Ces régions très peu touristiques ont la particularité d'être principalement peuplée par des grecs de confession musulmane. Des minarets pointent dans les villages disséminés dans la campagne et révèlent une facette de la Grèce que nous ne soupçonnions pas.
Bien que le paysage soit joli, les routes que nous suivons sont droites, longues et monotones alors on en profite pour apprendre des chansons qui constituent maintenant notre juke-box du voyage. On a à notre actif quelques Gainsbourg, un Barbara, une pincé de Johnny Cash, des Stones, du Brassens, du Piaf, un Bourvıl et même « l'indépendantiste du 14ème arrondissement» de Renaud qui nous a été inspiré par notre traversée de l'ex-yougoslavie.

Alors que Benjamin commence à désespérer de marcher sur une route qui semble longer à l'infini l'autoroute qui mène en Turquie, un panneau nous indique la via Egnatia, ancienne voie romaine qui menait alors à Byzance (aujourd'hui Konstantinoupolis pour les Grecs et Istambul pour les autres). On va la suivre sur une vingtaine de bornes, ce qui nous permet de nous plonger dans un environnement naturel qu'on ne fait que deviner en restant sur la route. Ca fait du bien aux pieds et au moral de fouler des petits chemins d'autant plus que la lumiere est sublime. On se paume un peu, on avance a ''visto de nas'', on retrouve notre chemın, une source providentielle, puis la route qui nous mene a Alexandroupolis. Nous approchons une nouvelle fois de la côte Égéenne. Au loin, surgit de la brume dans laquelle la mer se dissipe, l'impressionante silhouette fantomatique de l' île de Samothrace qui culmine à plus de 1600m.

On ne pensait pas y arriver et pourtant on dirait bien qu'on s'approche du bout de la Grèce. En arrivant a Alexandroupolis, qui nous semblait il y a encore quelques semaines un but bıen lointain, un panneau nous annonce que Konstantınopoulis n'est plus qu'a 297kms... qui, malheureusement pour nous, n'offrent pas d'autres alternatives qu'une voie express ou circulent d'enormes camions...

lundi 19 novembre 2012

De Kerkini à Kavala - Une nuit dans un 33 tonnes



Nous quittons a reculons notre chaleureuse petite auberge pour longer le lac de Kerkini en direction d'Hiraklia. La compagnie de nombreux volatiles: pelicans, herons et flamands roses nous remotive. Les pelicans tout particulierement, dont nous observons attentivement la technique de peche, nous amusent beaucoup. Ils avalent tout rond une quantité industrielle de petits poissons et ressortent de l'eau la tignasse en petard.
Les jours qui suivent nous traversons une campagne vallonnée, tres exploitée. Principalement des champs de coton, des vignes et des vergers d'oliviers dans lesquels nous choisissons souvent d'installer la tente. L' automne étant maintenant bien avancé, la plupart des champs sont labourés ce qui donne au paysages de subtiles dégradés de teintes marron-ocre crème brûlée. La campagne grecque nous semble bien moderne en comparaison de celles que nous avons traversée dans les balkans. Les tracteurs trimbalent tout un tas d'engins aux fonctions bien déterminées, les meules de foin sont faites par des machines et bien sur fini les carrioles tractées par des ânes. De même, nous avions un peu oublié ce que pouvait être de véritables zones commerciales et restons assez effarés devant le besoin impérieux qui pousse les gens à consommer tout un tas de trucs rarement fondamentaux (...et de nous demander par la suite comment on fait pour se payer un pareil voyage...). Ce matin pourtant, le gouvernement grec vient de voter un nouveau budget d'austerite.

Pour le plus grand bonheur des yeux et des papilles les branches des plaqueminiers s'affaissent sous le poids d'enormes kakis couleurs braises tandis que la peau sèche des grenades craque et explose litteralement sous la pression de gros pepins rubis gorges de sucre et d'eau. Toutes ces vitamines tombent à point, nous sommes tous les deux enrhumés et bien fatigués depuis notre entrée en Grèce. Les journées sont courtes et si nous voulons maintenir nos 25kms quotidiens nous ne pouvons nous accorder trop de pauses. Nous déclinons a regret les quelques invitations qui nous sont faites d'aller boire un café.

Et si dans la plaine italienne en tenue de randonneur nous faisions figure d'extraterrestres, ici, avec nos blousons, gants, bonnets et batons, nous avons l'air de deux skieurs égarés a quelques km de la côte. Sur notre passage dans les villages, les Grecs crient : touristes ! touristes! et quand ils apprennent qu'on est francais ils nous parlent de Sarkozy/Hollande.

En vracs, quelques caractéristiques notables depuis notre entrée sur le territoire hellénique : De tres jolis decors peints ornent le contours des fenêtres de maisons au plan carré sobres et élégantes, les pâtisseries sont parfumées a la fleur d'oranger et a la cardamome, de nombreux vendeurs ambulants parcourent les campagnes avec des camionnettes équipées de haut-parleurs nasillards, les grecs ont souvent dans la main un chapelet qu'ils tripotent de maniere machinale, et les camionneurs ont régulièrement, plantées au milieu de leur pare-brise, d'enormes croix orthodoxes clignotantes (du plus bel effet...). Ce qui reste cependant le plus déroutant pour nous en Grèce est la facon qu'ont les gens de dire oui ou non. Le ne (oui en grec) s'accompagne d'une inclinaison de la tête sur le coté tandis que pour dire non (ochi), les gens lèvent très lentement les yeux au ciel. Nous restons souvent interloqués tant ces mots et ces gestes sèment la confusion dans l'esprit d'un francais.

C'est également dans la plus grande confusion que nous rencontrons la famille Etamos. A la sortie du petit village d'Antifilippi, nous faisons le plein en eau en vue de se cuisiner des pâtes. En cassant des branches pour préparer notre feu, nous déclenchons les aboiement d'un gros chien, gardien d'un entrepot grillage qui nous surplombe. Rapidement, l'alerte est donnée, un homme à la voix de baryton arrive, nous pointe avec sa lampe torche et nous questionne en grec. Il est à une dizaine de mètres au dessus de nous, derrière un grillage, dans l'obscurité nous sommes éblouis par sa lampe. La communication est quasiment impossible, il s'en va et revient quelques minutes plus tard avec sa fille qui touche quelques mots d'anglais. Elle nous demande de faire le tour pour les rejoindre. On s'exécute. Le monsieur, sa fille et sa femme nous conduisent près d'un énorme camion volvo. Nous ne comprenons pas vraiment où ils veulent en venir, jusqu'au moment où ils ouvrent la porte, allument la lumière et nous désignent deux couchettes. On éclate de rire, la situation est cocasse, nous allons passer la nuit dans la cabine d un poids lourd, sur le parking d'une entreprise de distribution de nourriture pour animaux. Ça nous convient parfaitement, l'engin est isolé et nous aurons moins froid que dans la tente.
Une heure plus tard, un camion se gare à côté du nôtre, c'est le fils de Christos et Katarina Etamos. Il nous invite un boire un coup, il est très amusé de nous trouver là, d' autant plus qu'il nous a déjà croisé deux fois sur la route. Il nous prend pour des fous et ne comprend vraiment pas pourquoi on fait tout ce trajet à pied. On lui fait remarquer que sans cela nous ne l'aurions pas rencontré. C'est désormais notre traditionnelle réponse, la seule qui met à chaque fois tout le monde d'accord. Ca ne l' empêche pas de nous dire « si un jour ma fille m'annonce qu'elle fait un truc pareil, je la zigouille.» On en vient à parler du modèle familial grecs, de la nécessité pour l'homme d'entretenir sa femme..., de l'importance de rester proche de ses parents ( depuis notre entrée dans le pays, plusieurs nous ont déjà demandé comment nous vivions la séparation avec nos parents....).  Bref c'est un modèle patriarcale traditionnel, un peu comme on l'a vu dans les balkans, à la différence qu'ici les femmes sont quand même invitées dans les conversations (après avoir tout de même préparé le café !). Cela reste certainement plus valable dans les zones rurales que nous traversons plutôt que dans les grandes villes.

On reprend la route un peu dans le jus, Benjamin à un rhume et cette semaine dans la pampa grecque nous a bien épuisé. on finit par arriver à Kavala via un ancien chemin de mules comme on en avait plus vu depuis l'Italie. Un vieux, hilare de savoir que nous venons de France à pied nous dit qu'il date de Megalou Alexandrou.

dimanche 11 novembre 2012

De Skopje (Macedoine) à Kerkini (Grece) - Euphorie hippie



Skopje est une ville extrêmement mal fichue pour les piétons mais a le mérite d'abriter un veritable bazar ou il est encore possible de trouver quelques trésors. Le tourisme n'en étant pour le moment qu'a ses balbutiements, pas de boutiques de faux bibelots balkaniques fabriques a Taiwan. On s'offre un petit tissu et Benjamin une chemise aux motifs traditionnels macedoniens. Il faut dire qu'après avoir visite la fantastique collection de vetements du musee ethnologique on est un peu eblouis par la richesse des influences et la variete que l'on trouve dans les textiles de la region.
Pour quitter Skopje nous sommes contraints de prendre un bus, en effet, il n'y a pas d'alternative aux 50km d'autoroute qui nous separent de la ville suivante. On a bien fait car seulement deux jours plus tard, a l'occasion de l'anniversaire de Tleytmess, on s'offre une bonne quinzaine de bornes sur la bande d'arret d'urgence de cette meme autoroute pour cause de route secondaire introuvable. Heureusement, c'est dimanche, il n'y a personne, a part un automobiliste debordant d'enthousiasme qui s'arrete au beau milieu de la double voie pour nous offrir de succulentes grenades, du raisin et de l'ail que Benjamin gobera illico presto en vue de tenter de remedier a de nouveaux problemes gastriques (il parait que ca desinfecte ...).

A Demir Kapija, alors que nous desesperons de trouver une chambre, Aaron, volontaire americain pour la municipalite nous tombe dessus et nous indique un super plan logement crado-deglingue pour pas un rond. Heureusement, car avec le vent qu'il fait, la tente ce serait probablement envolee. Autour d'une gigantesque et delicieuse salade (En Macedoine, meme les hommes les plus corpulents se nourrissent de kilos de verdure), Aaron nous explique ses projets pour developper le tourisme a Demir Kapija dont l'environnement naturel est propice a tout un tas d'activites sportives. Sa femme, Lori, quant a elle, enseigne l'anglais a l'ecole du village. Ils sont tous les deux très sympathiques et portent un intérêt sincère à la culture balkanique et macédonienne en particulier. Slave, un de leurs amis macédoniens, se joint à nous, il est passionné d' archéologie et d' histoire et connaît quelques anecdotes croustillantes : il y a quelques années des paysans macédoniens trouvent dans leur champ une caisse pleine de bouteilles de cognac oubliée par des soldats français lors de la première guerre mondiale. Rapidement la nouvelle se répand dans le milieux des spiritueux. Quand des collectionneurs fetichistes tentent de racheter le butin à prix d'or, les villageois ont déjà tout bu.  Dans les balkans l'alcool ne se collectionne pas, il se boit !

Par ailleurs Slave fait de la randonnée et connaît bien les chemins de la region sur lesquels on espère qu'il nous conduira peut etre un jour. Nous lui indiquons notre prochaine etape, ca tombe bien il a un ami a Udovo qui pourrait nous aider à trouver un hébergement pour la nuit. Trajce possède une exploitation agricole et nous propose de dormir dans une petite cabane qui nous convient parfaitement. Il nous offre un bon morceau de fromage et un énorme pot d'Ajvar (spécialité balkanique que chaque nation énonce comme lui étant propre, c'est une sorte de puree a base de poivrons et d'aubergines). Il nous parle des conditions de vie difficiles des macédoniens dont nous nous sommes fait une idee en traversant les campagnes. Le materiel agricole est sommaire voire totalement vetuste. La vie est rude et le travail de la terre se fait a l'ancienne. On croise souvent le long des routes des attelages ou de petites carrioles tirees par des anes malingres. A la difference des autres pays de l'ex-yougoslavie, la Macedoine reste tres isolee sur le plan economique et geographique, entourée de pays avec lesquels les relations ne sont pas très cordiales, voire franchement mauvaises, comme avec la Grèce qui ne reconnaît pas le nom de «macédoine». Depuis notre entree dans ce pays les gens nous évoquent aussi des accrochages reguliers et une tension palpable avec la population albanaise fortement présente dans le nord-ouest du pays, en particulier depuis la guerre au Kosovo (250 000 albanais du Kosovo ont trouve refuge en Macedoine, un certain nombre d'entre eux sont restes).

En route vers la Grèce nous tombons sur une joyeuse bande de cyclistes hippies : une ''rainbow caravane'' qui réunit une dizaine de ''zozos'' toutes nationalités confondues. Partis de Slovaquie, a l'occasion d'un grand rassemblement ''arc en ciel'', il se rendent en Israël. Dans la droite ligne du mouvement hippie la communaute raimbow est autosuffisante et partage des valeurs de tolerance et de decroissance. Ils ont eu l'autorisation d'installer leur campement pour quelques jours dans un splendide verger de grenadiers et nous invitent à les rejoindre. Nous partageons avec plaisir les 2kg d'Ajvar offerts part Trajce qui commencaient a peser lourd dans le sac de Benjamin. On profite ainsi d'une soirée feu de camp accompagnée d'un répertoire de chants d'amour de paix et de liberte. Ils nous concoctent une tambouille roborative dont nous avons bien besoin depuis deux jours qu'on ne se nourrissait que de pain et de fromages parfois douteux (les epiceries locales ne sont pas folichonnes). Alors que nous doutions un peu de notre capacité à continuer notre périple pédestre jusqu'à Istambul -les journées sont de plus en plus courtes et les nuits de plus en plus froides- la rencontre avec la tribu «rainbow» (et un coup d'oeil sur la météo des semaines à venir ) nous redonne confiance. Ca n'empêchera pas Tleytmess de choper un rhume qui nous oblige à faire une pause au chaud dans un pension grecque bien chaleureuse sur les rives du lac Kerkini ou nous pouvons tranquillement observer les pelicans que nous avions manque au Lac Skadar (Montenegro/Albanie).

samedi 10 novembre 2012

Un petit quelque chose pour les oreilles II


Dans l'immense maison ou nous sommes accueillis a Thet, en Albanie, nous nous rechauffons pres du feu ou deux dames discutent :


Alors que nous nous promenons sur la muraille qui surplombe la ville de Prizren (Kosovo), et qu'une pluie legere tombe, les muezzins de toutes les mosquee de la ville retentissent dans une effrayante cacophonie :


Dans un restaurant de Gjakova (Kosovo) passe de la musique traditionnelle albanaise. Il s'agit de Shkelzen Jetishi Xeni & Zejnel Doli. On avait trouvé un merveilleux clip tourné a Gjakova, malheureusement la vidéo n'est plus disponible.

A l'excellente auberge Shanti à Skopje, le réceptionniste écoute un groupe serbe un poil funky-deglingos, Kanda, Kodza i Nebojsa :

jeudi 1 novembre 2012

de Bajram Curry (Albanie) à Skopje (Macedoine) - Traversée du Kosovo



Nous quittons Bajram Curry et l'Albanie dans une drôle d'ambiance. Nous suivons une route défoncée qui traverse des champs jonchés d'ordures, la brume s'est installée dans la vallée, et ponctuellement, apparaissent des meutes fantomatiques de chiens errants. nous nous apprêtons à entrer  au Kosovo avec en tête le message qu'un jeune kosovar, élève d'une classe de Pau avec laquelle nous correspondons, nous a écrit : « là bas il y a de la neige qui tombe et il fait très froid. Et il ne faut faire confiance à personne. Il n’y a pas de sécurité. Il ne faut pas dormir n’importe où parce que il y a des chiens dans la rue sans leur maître. Aussi il faut faire attention dans la forêt parce que il y a des ours et des loups. Quand tu passeras mon pays peux tu me garder un peu de neige ? »
Histoire de compléter ce tableau enthousiasmant, la campagne albanaise est truffée de bunkers plus ou moins dégradés. ceux-ci ont été construits pendant la dictature communiste dans un grand délire paranoïaque d'Enver Hoxha, persuadé que tout le monde voulait envahir l'Albanie. Il y en a plus de 750000 à travers tout le pays, soit 1 bunker pour 4 albanais. Leur construction a coûté une fortune. Aujourd'hui, «les champignons de tonton Hoxha» font partie du patrimoine et certains sont réhabilités en lieu de stockage, bar, hôtel...

Notre courte traversée du sud kosovar nous donne l'occasion de decouvrir 2 villes qui nous ont bien plu. Gjakova et son immense bazar que nous visiterons dans le plus grand calme pour cause de jour férié : c'est Bajram (Aïd el kebir dans les balkans). Gjakova possède de très belles maisons de style ottoman, ainsi qu'une élégante mosquée devant laquelle traîne une ribambelle de gamins. Ils nous ont vu la veille lorsque nous avons traversé leur quartier, sorte de bidonville aux abords de Gjakova, quelques visages nous sont familiers. Nous avançons sous le porche de la mosquée où sont entreposées des peaux de moutons sanguinolentes, résultat des sacrifices de la veille. Un jeune homme nous explique qu'elles serviront à confectionner des tambours. Les enfants nous entourent, nous posent tout un tas de questions. Bien que leur vie soit de toute évidence assez modeste, nous ne sommes pour eux, ni portefeuille ambulant, ni bête de foire, mais amis, ce qui rend l'échange bien agréable.
A Prizren nous prenons le temps de faire un tour dans la ville qui regorge de bâtiments historiques: églises catholiques ou orthodoxes, mosquées, bains, maisons traditionnelles, fortifications. Nous y dormons dans un hôtel bon marché, city hostel. Le patron est curieux et avenant et nous discutons un bon moment avec lui, entre autre de la situation du pays.
Le Kosovo est peuplé à 80% d'Albanais, pour la plupart musulmans. La situation au nord du pays est encore tendue, la Serbie n'ayant toujours pas reconnu son indépendance. Un certain nombre de Serbes vivent sur le territoire, au nord, mais aussi dans des enclaves disséminées dont une que nous traversons au sud. C'est un épicier qui nous met la puce à l'oreille en s'adressant à nous en serbe. Il est très intéressé par la petite cloche que Benjamin a attaché sur son sac depuis la Slovenie pour prévenir les animaux, les ours en particuliers, de notre présence. Il est aussi berger et en aurait bien besoin pour l'une de ses bêtes. on lui offre de bon coeur, pour une fois qu'on peut faire un cadeau utile !
Quelques km plus loin, à Brezovica, on mange dans une petite auberge en présence de militaires américains de la Kfor (force armée de l'ONU chargée de maintenir la paix au Kosovo). Les types causent base-ball et littérature de guerre dans un américain chewing-gum du plus bel effet. Quant à nous, lorsque, par réflexe, nous employons notre faible vocabulaire albanais, le serveur nous fait gentiment comprendre qu'ici et dans la petite ville d'après il vaut mieux s'exprimer en serbe, autrement dit, pour ne vexer personne et en jargon de linguiste, en BCMS (bosniaque, croate, macedonnien montenegrin, serbe, slovène). ça nous arrange, depuis deux mois qu'on le baragouine on le maîtrise bien mieux que l'albanais que nous tentons de pratiquer depuis 15 jours seulement.
Différents indices permettent au marcheur de savoir s' il est dans une enclave serbe: la présence d'églises orthodoxes, de drapeaux, de plaques minéralogiques, de croix orthodoxes aux rétroviseurs des voitures et quelques graffitis du genre «Kosovo is Serbia».

La nuit tombée, vers 5h (foutu changement d' heure) nous arrivons à Brod, un petit village dont on ne sait s'il est peuplé de serbes ou d'albanais (aucun indice flagrant). Un peu hésitants, on se décide a frapper à la porte d'une maison pour demander l'autorisation de camper dans le champ voisin (en anglais c'est plus prudent...). Un jeune homme nous ouvre, accompagné d'une petite fille. Il envoie celle-ci chercher un monsieur et une dame suivis d'un petit garçon, puis d'une femme portant un bébé. Tout ce petit monde s'agite sur le perron, on saisi au vol quelques mots d'albanais et on comprend qu'ils n'ont aucunement l'intention de nous laisser dormir dans la tente avec le froid qu'il fait. En deux temps trois mouvements l'intégralité de la famille nous escorte dans une maison annexe dans laquelle nous sommes invités à dîner et à dormir. Depuis le début de notre périple, on reste épaté par la manière et la rapidité avec laquelle les gens qui nous offrent l' hospitalité interrompent leurs activités pour se mettre à notre entière disposition. Après un délicieux dîner c'est à nouveau suivi du cortège familial que nous allons sur internet pour discuter via msn avec Hesat, leur fils qui a une trentaine d'années. Il s'est installé en France pendant la guerre alors que ses parents sont restés cachés dans leur maison brûlée par l'armée serbe. Puis, à la fin du conflit, son père s'est chargé lui-même de déminer, sans le moindre équipement, le champ autour de chez lui. cela ne l'empêche pas aujourd'hui d'avoir en continue le sourire aux lèvres et de dégager, lui et sa femme, quelque chose de très chaleureux et jovial que nous avons profondément apprécié.

A la frontière macédonienne, nous nous retournons pour dire au-revoir au Kosovo, une neige légère est tombée sur les hauteurs et nous fait comprendre qu'il ne faut pas traîner pour relier la côte grecque et profiter, espérons le, encore un peu de la douceur du climat méditerranéen.

mercredi 24 octobre 2012

De Vranj [Montenegro] à Bajram Curri [Albanie] - Douche écossaise albanaise



Chaque km qui nous rapproche de la frontière albanaise voit s'intensifier la présence de vieilles Mercedes pleines à craquer de passagers qui ont l'air de faire salon, quand ce n'est pas le cas, elles s'arrêtent pour nous proposer de nous embarquer. Les intérieurs sont cosy, tapis, moumoutes leopard..., quant aux carosseries, les coloris ont un air désuet de tapisseries années 70: vert pate d'amande, marron caramel, rouge framboise, beige creme anglaise ou orange carotte...etc. Nous passons la frontiere entre les chèvres qui crapahutent autour de la douane sans papier.

Un peu plus loin, aux abords d'un village, alors qu'on fait une pause, trois marioles de 13/14 ans a tout casser conduisent une BMW rutilante et s'arrêtent à notre hauteur. L'un d'entre eux descend et demande de l'argent "money, money, money". Nous lui demandons pour quoi faire ? Il ne répond pas tandis que dans la voiture ses deux camarades font mine de nous pointer avec ce qui semble bien être un vrai fusil. Devant l'impassibilité de Benjamin qui continue à remplir sa gourde, ils font demi tour en rigolant. 200 metres plus loin alors que nous reprenons la marche, un gamin du même âge court nous rejoindre pour nous proposer gentiment de l'eau ...
Après ces premiers contacts albanais sous forme de douche ecossaise, nous tombons sur un père qui promène ses deux enfants dans une brouette. Il parle allemand. Lorsque nous lui indiquons notre destination du lendemain, il nous propose tout de suite un raccourci qui part juste derrière chez lui. Il s'agit de l'économie d'une bonne quinzaine de kms et il a la gentillesse de nous loger gratuitement dans la maison de vacances de sa cousine qui vit en Grèce. C'est l'occasion de rencontrer Suada, sa nièce, une adorable adolescente de 17 ans qui parle un très bon anglais et rêve de devenir infirmière. La famille d'une grande douceur et le sourire bienveillant de Suada nous font bien vite oublier la désagréable rencontre de l'après-midi. Ils nous donnent de précieuses informations, notamment sur les possibilités de ravitaillement [aucune] qui nous seront bien utiles pour organiser notre traversée des Alpes albanaises.

Nous y passons quatre jours sous un ciel radieux seuls dans les montagnes et les forêts rougeoyantes . Les habitants de ces vallées enchanteresses sont peu nombreux mais font vivre intensément les lieux. Des bergères tricotent des chaussettes en gardant leurs troupeaux, de la fumée s'échappe des rares maisons disséminées entre les cultures et il n'est pas rare de tomber sur un cochon, une vache ou quelques chèvres au detour d'un chemin. Le point d'orgue de cette traversée est notre passage à Theth, petit village planté au coeur d'un cirque spectaculaire et quasi-inaccessible. Nous y dormons chez trois dames bien rigolotes dorlotés par une mamie qui s'enfile du rakia. Nous profitons de la chaleur apaisante du feu de cheminée qui crépite tandis que nous jouons avec le chat de la maison.
À la sortie des montagnes, bien éprouvés par les nombreux dénivelés de cette fantastique randonnée, nous faisons une journée de pause à Bajram Curri, petite ville campagnarde albanaise où cohabitent logements collectifs déglingués, corps de ferme vernaculaires, internets cafés et vaches en liberté circulant entre les mercedes et broutant trois radis entre des sacs plastiques.

De Dubrovnik a Vranj [Montenegro] - Entre deux averses



Tleytmess a attrapé un rhume on ne sait trop où (elle est probablement allergique aux pauses), et l'idée de passer un jour de plus en famille est tentante, nous décidons de nous épargner la sortie de Dubrovnik par la route et embarquons sur un bateau en direction du petit port de Cavtat.
Comme lorsque nous avions quitté Klevonica, la Bura (vent du nord) a soufflé pendant la nuit qui précède notre départ. Le ciel est limpide, les reliefs des montagnes ciselés et la mer d'un bleu profond. Notre petit chemin longe la côte dans la campagne. Bruyères mauves et bruyères blanches s'alternent entre les caillasses, les arbousiers et les rhododendrons. Des armées de cyprès d'une verticalité presque autoritaire se dressent dans les collines comme un bataillon de soldats.
On passe la douane pour le Montenegro sans encombre (la route est en travaux, ce qui réduit considérablement la circulation), puis arrivons rapidement sur la baie de Kotor que nous longeons ensuite pendant une bonne trentaine de bornes. Les montagnes plongent littéralement dans l' eau et les petits villages que nous traversons sont tous plus ravissants les uns que les autres. Un matin, alors que nous observons deux zodiacs qui font de drôles de manoeuvres nous comprenons qu'ils s'amusent avec un dauphin dont nous apercevons furtivement l'aileron.

Deux jours de pluie continue nous retiennent a Kotor, superbe petit port fortifié au pied d un enorme piton rocheux. Nous profitons d une relative accalmie pour emprunter les lacets qui montent au dessus de la muraille et nous menent a l entree du parc national de Lovcen. Le temps restant incertain, nous traversons celui-ci dans la foulee et arrivons de nuit a Cetinje. A nouveau bloqués par la pluie, c est sous nos kways que nous decouvrons le célèbre parcours architectural de l'ancienne capitale montenegrine jalonné de différentes ambassades du début du siècle, de quelques musées et d'un monastère abritant une ravissante petite église orthodoxe.
Nous poursuivons notre chemin vers Rijeka Crnojevica ou nous avons juste le temps de trouver une chambre dans une maison de pêcheur avant qu un deluge s'abatte sur la region. Nous sommes bien contents de ne pas être sous notre tente. Le lendemain, un temps radieux et Guillaume, cycliste francais jovial, nous accompagnent une bonne partie du chemin qui nous mène a Virpazar a travers le parc national du lac Skadar [une des plus grande réserve ornithologique d europe]. Le lac, ses zones marécageuses et les montagnes poilues qui semblent flotter dessus, composent une carte postale tres singulière. Nous n'aurons pas la chance de voir les fameux pélicans qui y vivent [symbole du parc national de Skadar], par contre nous avons croise plusieurs gros serpents et un matin un pêcheur - patron du bar dans lequel nous prenons un café - deboule avec une carpe géante qu'il brandit fierement a ses clients avant de l'expédier en cuisine pour la soupe du soir.
On continue notre tour du lac Skadar par le nord en direction de la frontière albanaise. A l approche du village de Vranj on se fait inviter a boire un verre de rouge par Dejan qui nous parle dans sa langue avec un enthousiasme et une énergie debordante. Le résultat reste cependant limite, on ne comprend pas grand chose si ce n est qu il nous déconseille d'aller au Kosovo. Son copain Goran fait allusion au fait qu ils y ont combattu [on suppose vu le malaise, au service de l'armer serbe contre les indépendantistes albanais du Kosovo...]. Dejan esquive le sujet et nous maintient qu il ne faut pas s' y rendre.
La nuit tombe, nous accélérons le pas. A peine entrons-nous dans le village de Vranj qu'une dame nous interroge [notre nationalite et notre direction comme toujours] et nous accompagne. Plus loin un jeune homme veut lui aussi nous indiquer le chemin a suivre jusqu'au prochain village et ne resiste pas, en passant devant le bar, à informer tout le monde de notre présence. Aussitot nous sommes pris d assaut. Tandis que deux d'entre eux dessinent à Tleytmess la route a suivre, un autre nous propose de nous amener en voiture à la frontière albanaise et le dernier tend a Benjamin son téléphone portable.. en ligne son cousin qui parle parfaitement francais et qui s'assure que nous n' avons besoin de rien. La scène est cocasse, tous ces gens sont gentils, attentionnés et curieux même s'ils n' écoutent rien de ce qu'on leur dit. Trop occupés qu'ils sont à être le plus serviable possible, ils ignorent totalement le fait que nous possédons une carte assez précise de la région et que nous ne sommes pas du tout perdus [ce qu on s' évertue à leur expliquer depuis une demi-heure...]. On parvient finalement a se dépêtrer de ce joyeux tohu-bohu, se demandant si l'extrême prévenance de ces gens est dûe à leur religion musulmane et a sa notoire tradition de l'accueil [Vranj est le seul village de la région à posseder une mosquée] ou bien a leur probable origine albanaise [peuple réputé pour être des plus accueillant].